La plaque non calcifiée comme substrat anatomique au risque coronarien accru dans l’infection VIH – Une étude de la Cohorte canadienne VIH et vieillissement au CHUM

28 avril 2021

Dans une étude publiée dans Radiology, des chercheurs du Centre de recherche du CHUM (CRCHUM) montrent, grâce à l’angiographie coronarienne par tomodensitométrie, que le fardeau de plaque coronarienne infraclinique non calcifiée est 2 à 3 fois plus élevé chez les individus vivant avec le VIH (virus d’immunodéficience humaine), en comparaison à des volontaires sains non infectés présentant un risque cardiovasculaire similaire. L’étude est également commentée par un éditorial du même journal.

Il s’agit d’une étude prospective dirigée depuis 2013 par le Dr Carl Chartrand-Lefebvre (psychologie 1986, médecine 1991, radiologie diagnostique 1996, sciences biomédicales 2015), radiologiste au CHUM et professeur au Département de radiologie, radio-oncologie et médecine nucléaire de l’Université de Montréal. Il est également chercheur régulier de l’axe imagerie-ingénierie du CRCHUM. L’étude est nichée dans la Cohorte canadienne VIH et vieillissement (Canadian HIV and Aging Cohort Study, CHACS). Elle fait partie des nombreuses sous-études de cette cohorte prospective. L’imagerie non invasive occupe une place importante dans plusieurs de ces sous-études.

Les personnes infectées par le VIH vivent désormais plus longtemps, avec un risque accru de pathologies liées à l’âge, parmi lesquelles la maladie coronarienne. L’incidence plus élevée d’infarctus du myocarde a été démontrée dans la population VIH en Amérique du Nord, en Europe ainsi que dans une étude québécoise de l’équipe de Madeleine Durand (médecine interne 2009, sciences biomédicales 2012) et Cécile Tremblay (médecine 1992, microbiologie 1997), respectivement interniste et microbiologiste au CHUM, publiée en 2011. Cette dernière étude a donné l’élan à la création du CHACS en 2012, soutenu par les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) et les National Institutes of Health (NIH). Le CHACS s’intéresse aux conséquences du VIH, et évalue en particulier les déterminants cliniques, immunologiques et métaboliques de la pathologie cardiovasculaire, du vieillissement accéléré et de l’altération de la composition corporelle associés au VIH.

Dans l’étude actuelle, 265 participants VIH et non-VIH ont été évalués de façon prospective par tomodensitométrie. Afin d’être éligibles, les participants des deux groupes devaient être asymptomatiques sur le plan cardiovasculaire et sans histoire d’atteinte coronarienne. L’évaluation des coronaires et de la paroi de celles-ci était réalisée par des observateurs aveugles au statut VIH. Le volume de la plaque coronarienne était quantifié par des méthodes avancées de post-traitement des images. Les résultats ont démontré une présence faible et identique de plaque coronarienne chez les participants VIH et non-VIH, après ajustement pour les facteurs de risque cardiovasculaire. Toutefois, en tenant de la classification des plaques selon qu’elles étaient calcifiées, non calcifiées ou mixtes, les auteurs ont démontré une prévalence et un volume plus élevés de la plaque coronarienne dans le groupe des participants VIH. Le traitement par les inhibiteurs de la protéase (classe de médicaments de la thérapie antirétrovirale) était associé à un volume plus élevé de la plaque en général ainsi que de la plaque mixte.

« Notre étude montre que le fardeau de plaque coronarienne non calcifiée est plus important chez les personnes vivant avec le VIH», mentionne l’auteur principal de l’étude Carl Chartrand-Lefebvre. « De plus, un bon nombre d’études précédentes a déjà démontré, dans la population générale, que la plaque non calcifiée était associée à une incidence plus élevée d’événements cardiovasculaires, en comparaison aux plaques calcifiées ou mixtes. Notre expérience au CRCHUM montre que l’angiographie par tomodensitométrie peut être considérée comme un outil de recherche de choix dans l’évaluation non invasive des artères coronaires, en particulier chez des participants avec un risque cardiovasculaire faible ou modéré, comme dans la cohorte CHACS; cet outil pourra être utilisé dans de futures études cliniques, pronostiques ou mécanistiques de l’athérosclérose associée au VIH », ajoute-t-il.

Comme le mentionne la Dre Madeleine Durand, professeur au Département de médecine de l’Université de Montréal, ainsi que directrice du CHACS, plusieurs facteurs pourraient expliquer l’athérosclérose coronarienne associée au VIH, en plus des facteurs de risque traditionnels, comme la dérégulation de l’activation du système immunitaire et l’inflammation chronique, ainsi que le traitement antirétroviral lui-même.

Outre Carl Chartrand-Lefebvre, Madeleine Durand et Cécile Tremblay, le groupe des auteurs de l’étude inclut également Irina Boldeanu (sciences biomédicales 2014, droit 2018), stagiaire de recherche en radiologie au CRCHUM; Manel Sadouni, étudiante au PhD au CRCHUM et Université de Montréal; Samer Mansour, cardiologue hémodynamicien au CHUM et professeur au  Département de médecine de l’Université de Montréal; Jean-Guy Baril et Benoît Trottier, médecins généralistes au CHUM et professeurs au Département de médecine de famille et médecine d’urgence de l’Université de Montréal; Gilles Soulez (sciences biomédicales 2001) et Anne S Chin, radiologistes au CHUM et professeurs au Département de radiologie, radio-oncologie et médecine nucléaire de l’Université de Montréal; ainsi que Jonathon Leipsic, radiologiste au St. Paul’s Hospital de Vancouver et professeur au Department of Radiology, University of British Columbia.

À PROPOS DE CETTE ÉTUDE

L’article « Prevalence and characterization of subclinical coronary atherosclerotic plaque with CT among individuals with HIV – Results from the Canadian HIV and Aging Cohort Study”, par Irina Boldeanu, Manel Sadouni, Samer Mansour, Jean-Guy Baril, Benoît Trottier, Gilles Soulez, Anne S Chin, Jonathon Leipsic, Cécile Tremblay, Madeleine Durand, Carl Chartrand-Lefebvre et les investigateurs de la Cohorte canadienne VIH et vieillissement est paru dans Radiology, le 20 avril 2021.

Ces travaux ont été financés par les Instituts de recherche en santé du Canada, les National Institutes of Health des États-Unis, les Réseaux sida et

 maladies infectieuses et de bio-imagerie du Fonds de recherche du Québec–Santé (FRQS), ainsi que par le partenariat FRQS – Fondation de l’Association des radiologistes du Québec.

Cette étude est commentée dans l’éditorial « HIV and coronary atherosclerosis: research separates association from causation » de Shenghan Lai, dans la même édition de Radiology.

Références

  1. Boldeanu I, Sadouni M, Mansour S, Baril JG, Trottier B, Soulez G, S Chin A, Leipsic J, Tremblay C, Durand M, Chartrand-Lefebvre C; Canadian HIV and Aging Cohort Study Group. Prevalence and Characterization of Subclinical Coronary Atherosclerotic Plaque with CT among Individuals with HIV: Results from the Canadian HIV and Aging Cohort Study. Radiology. 2021 Apr 20:203297. doi: 10.1148/radiol.2021203297. Epub ahead of print. PMID: 33876969.
  1. Lai S. HIV and Coronary Atherosclerosis: Research Separates Association from Causation. Radiology. 2021 Apr 20:210373. doi: 10.1148/radiol.2021210373. Epub ahead of print. PMID: 33881374.